Affaire Hush Money: Jour 16
PLUS: 1) Le Ray Donovan de Trump; 2) Intrigue secondaire du procès: DON SNORELEONE
1) Le Ray Donovan de Trump
Michael Dean Cohen, 57 ans, avocat (radié du barreau depuis) et à l’époque businessman millionnaire devenu en 2006 le “pit-bull” de Trump après son engagement par la Trump Organization, est aujourd’hui au centre des débats.
(Trump et son avocat-fixeur Michael Cohen à Cleveland, Ohio, le 21 septembre 2016. Photo: AP Photo/Evan Vucci, File)
Pour avoir joué au Ray Donovan de Trump, il a écopé en 2018 de 3 ans de réclusion criminelle dans une prison fédérale après avoir plaidé coupable aux crimes d’évasion fiscale, de contribution illégale à une campagne électorale à la demande d’un candidat, de fausse déclaration au Congrès, etc.
Déçu par « The Boss », qui l’a tenu à distance dès son accession à la Maison Blanche, Michael Cohen, qui selon certains convoitait—ô comble de chuptaz, de l’audacité impudente new-yorkaise —, le poste de ministre de la justice (« Attorney General »), était furieux que Trump n’ait pas levé le petit doigt pour lui accorder le « pardon présidentiel ».
La défense s’acharnera sans nul doute sur les travers de sa personnalité: un menteur fieffé, un ex-taulard dont la parole ne vaut pas deux sous.
Mais Cohen a commis tous ces crimes, a-t-il déclaré lorsqu’il a admis publiquement au Congrès et plaidé coupable en 2018 à une demi-douzaine de « crimes fédéraux », il a commis tous ces crimes par loyauté aveugle pour Trump. Il continue d’expliquer aujourd’hui dans ses podcasts et ses deux livres qu’il est ex-taulard aujourd’hui parce qu’il était soldat du Boss. Comme un bon soldat d’une organisation de la pègre. Une « connerie » qu’il regrette amèrement aujourd’hui!
Comme le rappelle The Guardian:
Cohen est au centre de cette affaire: c’est l’homme que Trump a remboursé pour l’achat du silence de la star de films pour adultes Stormy Daniels, un arrangement que Trump est allégué avoir falsifié des registres commerciaux pour cacher.
Cohen est certes le « témoin vedette » de l’accusation mais il ne peut à lui seul faire chavirer le ministère public en cas de mauvaise performance à la barre des témoins.
Le bureau du District Attorney de Manhattan a construit une cause complexe dont Michael Cohen n’est point l’unique pièce maîtresse. Le récit structuré par les procureurs sont fondés sur des éléments de preuve matérielle (documents et autres)—dont même un enregistrement d’un appel téléphonique fait par Cohen à l’insu de Trump!
(AP Photo/Evan Vucci, File)
2) Intrigue secondaire du procès: DON SNORELEONE
Tout avait commencé le 15 mars, avec l’article incisif de Maggie Haberman, sur la somnolence abjecte de l’ex-président dans la salle d’audience du tribunal pénal de Manhattan le tout premier le Jour 1 de l’Affaire Hush Money, journée consacrée à la sélection des jurés.
Selon Haberman:
Pendant que le juge écoutait les argumentaires sur les questions de dernière minute d’une affaire qui est centrée sur des allégations salaces et qui menace de faire chavirer sa candidature à la présidence, M. Trump semblait s’assoupir quelques fois, la bouche relâchée et la tête s’affaissant sur le torse.
Le camp de Trump a tout de suite démenti avec véhémence cette description de Haberman, qui, dans le “Trumpworld”, n’est plus en odeur de sainteté depuis son livre sur l’ex-président au titre réquisitoire de “Confidence Man: The Making of Donald Trump and the Breaking of America” (2022). Vilipender la reporter en la taxant de reine des Fake News n’a fait que “viraliser” sa description du Donald gâteux; du pain bénit pour les animateurs des “late shows” de la trempe de Jimmy Kimmel, Stephen Colbert, Seth Meyers, Jon Stewart ou Bill Maher.
Et on s’y est jeté à coeur joie sur cette manne. Trump, qui, il n’y a pas si longtemps, aimait insulter Biden en le traitant de “Sleepy Joe” est aujourd’hui affublé par ces experts du rire de surnoms aussi farfelus qu’affligeants comme “Donnie Nappeleseed”, “Sleepy Don” ou, le plus créatif:
“Don Snoreleone” —croisement de “Don Corleone”, “Don Trump” et “Snore” (ronflement). Et ce “narratif s’installe de Trump sommeillant au tribunal s’installe—à au grand dam” de Trump car en pleine saison électorale.
3) Lundi 13 mai 2024. Jour 16.
Le juge Juan Manuel Merchan commence l’audience par une décision contre le ministère public. Les procureurs ne pourront pas présenter aux jurés l’accord de licenciement/séparation signé entre la Trump Organization et son ex-directeur financier Allen Weisselberg, aujourd’hui purgeant une peine de prison de 4 mois pour parjure.
(À l’avant-plan, le District Attorney Alvin Bragg, présent dans la salle d’audience aujourd’hui, suit l’interrogation directe de Michel Cohen menée par le substitut du procureur Susan Hoffinger. Trump et le juge Merchan suivent l’interrogatoire. Dessinatrice d’audience: Christine Cornell)
Sous l’interrogation directe du substitut du procureur Susan Hoffinger, Cohen décline son identité et annonce en passant qu’il est« fils de survivant de la Shoah ».
Il révèle qu’il mentait aux gens pour Trump.
Michael Cohen n’a pas toujours haï Trump; bien au contraire il admirait son patron et aimait son boulot :
« C’était fantastique. Travailler pour lui, spécialement durant ces 10 années-là, c’était une expérience extraordinaire de plusieurs, plusieurs façons. Ils y avait des bons moments, il y avait des moments pas extraordinairement bons, mais la plupart du temps, je me réjouissais de la responsabilité qui m’était accordée. Je me réjouissais de travailler avec mes collègues à la Trump Organization, avec les enfants de Trump. C’était une grande famille ».
Pendant près de 6 heures d’interrogation directe menée par Hoffinger, Cohen a alors décrit par le menu toutes les péripéties des opérations du catch-and-kill orchestrées avec David Pecker, l’éditeur du tabloïde National Enquirer, avec l’assentiment du Boss. Et surtout, le paiement de 130.000 $ à Stormy Daniels et le montage financier de remboursement planifié par Allen Weisselberg, alors directeur financier de la Trump Organization, qui ont conduit aux accusations d’interférence électorale.
Cohen a contredit l’affirmation de la défense selon laquelle si Trump voulait le silence de McDougal et Daniels, c’était pour « protéger sa famille »:
« Tout ça, c’était pour la campagne! »
Cohen a admis qu’il s’est senti insulté quand Trump l’a écarté de la Maison Blanche et réduit sa prime annuelle à la Trump Organization—qui lui sera finalement octroyée grâce à l’intervention de Weisselberg.
Le ministère public continue mardi son interrogation directe de Cohen, puis ce sera au tour de la partie défenderesse ne mette à mal la crédibilité de ce témoin lors du contre-interrogatoire.